Merci pour ce lien vers une thèse.
Je l'ai parcouru en diagonale. Je vais faire quelques commentaires, je ne prétend pas être une spécialiste, et ce peut être une mauvaise lecture de ma part ou ma simple incompréhension. C'est juste pour ouvrir la discussion.
Mais bon, après tout la thèse s'ouvre sur cet incipit : "
La science, quand elle est bien digérée, n'est que du bon sens et de la raison". - Stanislas Leszczynski
Si un roi de Pologne se mêle de science, pourquoi pas moi !
C'est une thèse en pharmacie. J'ai un a priori sur les thèses en pharmacie et médecine : on n'y forme pas vraiment des chercheurs mais des praticiens... même si certains médecins ou pharmaciens deviennent bien d'excellents chercheurs. J'ai tendance à considérer qu'on est moins exigeant pour les thèses en pharmacie ou médecine que dans d'autres domaines : ce qui est logique compte tenu de la formation, ce n'est pas une critique.
Là on est face à une thèse de 81 pages (dont une page de serment de Galien) ; je pense que cela illustre mon propos, si on compare à d'autres secteurs de la recherche.
Ensuite, pourquoi s'intéresser en pharmacie à ce domaine. Pourquoi pas, plutôt ? Mais compte tenu des enjeux industriels qu'il peut y avoir en la matière, d'autres thèses et d'autres chercheurs s'y sont intéressés plus en profondeur. Il existe bien d'autres thèses si on cherche, plus ou moins accessibles (
https://www.theses.fr/1992BESA2035 ,
https://www.theses.fr/2002PA066475 ).
La thèse en elle-même est structurée de manière logique. Une première partie sur l'état de la connaissance en ces matières, puis une expérimentation. On sait que la question serait le type de cristallisation du carbonate de calcium, notamment : calcite, aragonite - la première étant plus stable et avec plus d'accroche. Je me concentre sur la phase d'expérience.
Le protocole consiste à préparer une solution de 3,4 litres. Dans de l'eau purifié (sans minéraux ou ions), on y dissout 1,36g de carbonate de calcium. Puis, on ajoute par barbotage du CO2. On escompte que le carbonate de calcium se cristallise, pendant qu'on agite. On mesure en continu le pH, la concentration en ion Ca2+ ; la température est contrôlé - tous des facteurs qui joue sur la cristallisation. Le résultat est analysé au microscope pour voir les cristaux.
La variable de l'expérience, c'est la présence ou l'absence de champ magnétique. Et en cas de présence, sa durée.
Ce qui est mesuré, c'est le temps d'induction de la cristallisation et la taille et nombre des grains.
Quelques commentaires (peut-être juste des mauvaises lectures de ma part... mais quand même) :
- La manière dont est placé le champ magnétique dans le dispositif n'est pas très clair. Je ne sais pas si c'est moi... mais je n'ai pas trouvé la force du champ magnétique !!! Quelqu'un a vu ? Dommage, le champ magnétique aurait pu être une des variables.
- On voit qu'il y a un cryothermostat : mais on ne sait jamais à quelque température on se situe. Pour la reproductibilité d'une expérience, c'est embêtant.
- Précipitation et cristallisation : ce sont presque les deux mêmes phénomènes, mais il est dommage que l'un et l'autre soit utilisé comme synonyme, ce n'est pas très rigoureux. Dans la précipitation, on obtient un solide (éventuellement amorphe) ; dans la cristallisation, on obtient un solide cristallin.
- Le temps (d'induction) de cristallisation : en page 56, on a un tableau récapitulatif. C'est vraiment basique, mais dans un tableau, on indique toujours les unités, ce qui n'est pas fait là : secondes, minutes, heures ? Je suppose minutes. Mais que font les responsables de thèse qui laissent publier ainsi ? de la relecture ?
- Il y a (seulement) 14 expériences réalisées avec variations de conditions : est-ce significatif ? Un exemple avec "20 minutes de magnétisme préalable", on a comme extremum de temps de cristallisation : 54,5 et 97,2. Ainsi, on a une valeur qui passe quasiment du simple au double... sur trois expériences. Je ne sais pas vous, mais moi, en termes de reproductibilité, cela m'interroge !!! Je me poserai quand même la question d'une (ou plusieurs) variable cachée.
- Le temps de préexposition : une des variable est donc le temps de préexposition, c'est-à-dire, le temps où il y a exposition au champ magnétique. Par exemple, on nous dit : lancement du champ magnétique 20 minutes avant le commencement de l’étape de précipitation (de précipitation ou cristallisation ?). Euh ?????? Si on a un temps de cristallisation qui varie du simple au double, comment on fait pour savoir qu'on est 20 minutes avant la cristallisation ? comment on détermine le point de départ à partir d'un évènement futur dont le délai d'arrivée est variable ?
- On a quelques traitements statistiques pour finir par "
Le champ magnétique ne modifie pas statistiquement les temps d’induction de la cristallisation". C'est un peu court, vu les problèmes notés avant... Il y a aurait peut-être autre chose à expliquer.
- Le temps d'une des expériences ? On a compris qu'on nous fournissait le temps d'induction de la cristallisation (Le temps d’induction dans une opération de cristallisation est l’intervalle de temps
existant entre la création de la sursaturation et l’apparition des premiers nuclei) ; mais et après ? Le processus a une certaine cinétique, il continue après le début de l'induction : donc, on laisse l'expérience combien de temps après l'induction de la cristallisation... C'est quand même important à savoir si on mesure ensuite la taille et le nombre de grains et que ce soit comparable.
- "L’analyse statistique de nos échantillons ne met pas en avant de différences significatives entre les différentes populations. On peut donc conclure que l’application d’un champ magnétique ne modifie pas la taille finale des cristaux." ou "L’analyse qualitatives des photographies ne permet pas d’identifier une différence significative entre les échantillons obtenus avec ou sans application d’un champ magnétique". Est-ce bien étonnant ? Sur 14 expériences, avec des variations très étrange sur les temps d'induction ?
Et voilà d'ailleurs la phrase clef de la conclusion : "
Même dans des conditions identiques, certains résultats présentent une variabilité importante."
On a ensuite le seul résultat affiché : "
Cependant, les résultats montrent que le champ magnétique réduit sensiblement la vitesse de nucléation.". Sauf que cette vitesse n'est pas vraiment mesurée, me semble-t-il mais plutôt résultant d'un modèle réalisé à partir de données qui me semble porté caution.
Pour finir, dommage, on ne saura rien au passage sur la calcite ou l'aragonite dans ces expériences.
En conclusion, "la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a". Ainsi, cette thèse n'a pas vocation à répondre de manière précise à l'utilisation de système magnétique dans nos habitations.
- D'une part, il travaille sur un système fermé : les concentrations varient. Alors que nos systèmes d'eau sont ouverts : on a un apport d'eau et d'ions qui est sans doute plus ou moins constant... donc la concentration est constante.
- D'autre part, il utilise une eau purifiée, sans autres ions. L'influence de la composition de l'eau du robinet n'est peut-être pas du tout négligeable sur l'effet ou le non-effet d'un système magnétique.
Cette thèse ne permet pas de trancher radicalement la question, et en plus, sans être personnellement d'un niveau scientifique suffisant, je pense qu'il y a quand même des défauts réels dans la démarche et que ce n'est pas assez rigoureux.
Après, je ne sais pas s'il y a effet ou pas, c'est bien pour cela que je tente ma propre expérience (encore moins rigoureuse que celle de cette thèse, je le concède).